Sébastien le martyr
Quelle image donner maintenant à la peinture?
On l'a rejetée, alterée, transformée, déconstruite et tant d'autres choses encore,
que ne lui a-t-on fait subir. Toute cette histoire se résumerait à un combat de
titans entre celle-ci et l'art de peindre. Il y a dans les Sébastiens de Yanes quelque chose du
martyr de l'image, il rassemble les morceaux épars d'une conscience imageante éclatée autour de la figure de l'homme;
Sébastien, immobilisé dans le cercle de ses attachements, martyrisé mathématiquement, il reçoit les flèches numérotées de
sa mortalité. Le temps tourne les limites de l'existence, on sort du cercle en coquelicot,
en coup d'aile d'hirondelle ou en ange bien sûr.
Toutes ces résurrections printanières témoignent d'une allégresse animale qui se débrouille avec l'image possible, l'image impossible.
Sébastien, ou la figure humaine, disparaît comme le corps perd la vie, criblé de traits et d'images déchirées,
il s'efface sous le remue ménage de la peinture. Le peintre sait qu'il peint, l'allégresse de son Sébastien martyr le dit; il
ne sauve pas Sébastien, il se sauve lui même et la peinture par la même occasion. Car en effet chaque peintre, quel qu'il soit,
à la vue du tableau qui se fait, affirme sa vie, sa seule vie possible et celle toujours recommencée, toujours nouvelle de la peinture.
Étrange phénomène que le salut par la belle magie du miroir; le charmant vêtement de soi de Yanes, c'est le sien, mais vous savez bien
que c'est aussi le votre.
Bruno Mathon